Finies les steppes… bonjour les montagnes !

Publié le par Sylvie

Kegen - Karakol ... 05/06 - 10/06

 

Sur la place principale du village, quelques petits magasins sont alignés. Nous sommes vendredi matin et des camions déchargent des cargaisons de marchandises. Nous sommes dans un petit village, à seulement 30 km de la frontière, loin de tout et pourtant, les magasins sont bien achalandés ! Nous prenons notre petit déjeuner dans un des minuscules restaurants sur la place. Nous commandons thé et pain et Ben part à la recherche de confiture dans les magasins à côté. Nous sommes un peu gênés, le pain et le thé sont en fait des accompagnements mais aucun de nous ne se sent de commander une soupe de nouilles à 9h du matin.

Nous partons ensuite à la recherche du banya (sauna). C'est à l'autre bout du village dans une bâtisse en terre. Des hommes font des travaux à côté, l'ensemble ne paye pas de mine et on se demande un peu comment on va ressortir plus propres ! L'une des deux pièces est le sauna à proprement parler : un gros réservoir d'eau chaude et des pierres chaudes. L'autre pièce sert de douche : deux bassines dans lesquelles on fait le mélange eau chaude-eau froide et des petites casseroles en plastique pour s'arroser. On s'attendait à un banya tout en bois comme au lac Baïkal mais celui-ci est carrelé, pas de bonne odeur de bois chaud. On en ressort quand même propres comme des sous neufs ! Nous déjeunons au même petit resto que le matin et, pour faire bonne mesure, décidons de commander plein de plats différents. Ça nous change des laghmans et pirmeny.

L'après-midi se passe à faire des lessives au soleil, dormir et lire pendant qu'Albane et Benoît se promènent dans le village. Soudain nous sommes surpris par de violents coups à notre porte. Albane et la propriétaire sont là, un peu inquiètes et essoufflées : 'Ben, vient traduire, il y a la police !'. Zut, jusqu'à présent, on n'avait entendu parler de problèmes avec la police que dans les guides. En général, ils demandent les passeports, prétendent qu'il y a un problème et réclament de l'argent. Du coup, on se promène avec une photocopie dans notre poche. Quatre voitures sont garées en bas, six ou sept hommes attendent, habillés en gris et noir, lunettes noires sur les yeux ... plutôt rassurante la police du Kazakhstan ! Un des hommes parle un peu anglais, ce qui nous met en position de force. Ben y va relax, on lui montre tous nos passeports (originaux) et finalement, tout se passe bien. La propriétaire est rassurée aussi, la pauvre commençait à stresser ! Nous ne sommes pas sûrs que c'était vraiment la police, on aurait plutôt dit la mafia mais la différence ici...

Le lendemain matin, nous faisons le dernier plein d'eau avant de passer la frontière à un petit village puis... c'est la piste ! On nous avait prévenu, piste jusqu'à la frontière et même après. Nous cahotons sur de grosses pierres jusqu'à ce que Benoît découvre une petite piste en terre battue sur le côté, on peut à nouveau foncer à 15km/h ! Nous passons un ranch perdu au milieu de nulle part, un berger à cheval rassemble des chevaux. Au loin, les toits d'un village brillent au soleil. Au bout de la piste, un petit point blanc, c'est la frontière !

Le douanier kazakhe fait la grimace devant nos visas obtenus à l'aéroport. C'est vrai qu'il y a écrit 'Visa pour résidence permanente', à sa place, on s'interrogerait aussi. Il nous laisse finalement passer mais pas avant d'avoir essayé de nous extorquer nos couteaux Suisse. Quelques mètres plus loin, rebelote. Les deux postes frontières sont posés au milieu de la steppe verte comme deux petits dominos et on se dit qu'on pourrait tout aussi bien contourner à quelques centaines de mètres, les chevaux le font bien eux...

Nous pique-niquons au milieu de la steppe, sur un tapis d'herbe verte moelleuse, c'est le paradis des chevaux ici ! La piste serpente entre les collines, des troupeaux de chevaux galopent comme des fous, on les sent vraiment heureux. 15 km après la frontière, nous arrivons au premier village, San-Tash. Les maisons sont de guingois, les rues un peu boueuses mais on trouve de l'eau en bouteille ! On prend aussi 5L d'eau du robinet qu'on filtrera avant de cuisiner avec. En fin de journée nous sommes témoins d'un véritable défilé : des troupeaux de chevaux, vaches, chèvres, moutons remontent la piste dans une cacophonie de hennissements, beuglements, bêlements... Quelques cavaliers canalisent les bêtes à l'arrière des troupeaux. Ils font tellement du bon travail que les chiens se contentent de trottiner derrière ! Début juin, c'est l'époque des petits. Poulains, veaux et agneaux gambadent à côté de leurs mères. Un petit chevreau trône dans un panier de selle. Un peu plus loin, contraste avec cette scène pastorale, une dizaine d'hommes joue au foot sur l'herbe.

Le soir, nous nous adressons à deux jeunes garçons sur le bord de la route, près d'une ferme. Ils acceptent facilement que nous plantions la tente près de chez eux et leur mère, en train de rentrer du linge, insiste pour que nous nous installions près de leur maison et non en contrebas. Etant visibles de la route, on se sent plus rassurés d'être à côté d'une habitation. Le Khirghistan n'est pas une destination à risque en soi mais ce n'est pas la peine de tenter les gens avec nos équipements. A peine avons-nous planté les tentes (toujours dans le l'herbe verte et moelleuse oui, oui...) que le plus âgé des garçons s'approche avec son cheval sellé. Les deux frères montent à cru mais ils ont sellé leur cheval pour nous ! Pendant que le petit emmène Sylvie faire le tour des environs (et que Ben se charge de terminer l'installation !!), le plus grand fait signe à Benoît qu'il aimerait bien essayer son vélo. Finalement, nous montons à tour de rôle pendant que les deux garçons s'amusent comme des fous sur les vélos. C'est samedi, ils sont revenus en week-end de la ville où ils étudient. On espère que leur mère n'est pas trop agacée de les voir s'amuser au lieu de l'aider !!

Nous sommes réveillés en pleine nuit par des phares. Un camion s'est garé en contrebas, phares braqués sur nos tentes. Oups, il faut vraiment qu'on masque les réflecteurs sur les tendeurs. Nous sommes vite replongés dans le noir mais pendant une demi-heure nous écoutons. Il doit y avoir un trafic quelconque avec la maison d'en-bas. Nos hôtes ainsi qu'Albane et Benoît dorment comme des bébés pendant que nous veillons ! Une heure plus tard, seule Sylvie se réveille. Cette fois, c'est un homme qui frappe quelque chose en jurant et c'est près de la maison. Le lendemain, on a l'explication en voyant un cheval sellé attaché près de la maison : c'est le père qui a dû rentrer un peu bourré. Le pauvre cheval qui a passé la nuit debout, sellé, sans manger ni boire, finit par se détacher. Benoît le rattrape in extremis et le donne au père qui sort en se frottant les yeux ! Albane et Benoît s'essayent ensuite à la traite de la vache, du bon lait tout frais mmmm !

La piste dans les montagnes se finit rapidement à notre grand regret et nous nous retrouvons bientôt sur une large route poussiéreuse en travaux. Des camions passent, soulevant des nuages de poussière... 15km étouffant ! Nous sommes dépassés par une énorme camping-car immatriculé 22... quoi, des Français et ils ne s'arrêtent même pas ! Du coup, quand un deuxième mastodonte se profile dans notre rétroviseur, nous nous mettons de front, ils sont  obligés de s'arrêter. Ils viennent juste d'entrer au Khirghistan mais n'apprécient pas trop : 'On a dû payer tant à la frontière, puis tant à l'entrée de ce parc...'. Finalement, on est bien contents de suer dans la poussière. C'est peut-être difficile ou fatiguant (parfois !) de voyager à vélo mais les gens ne nous considèrent pas comme des portefeuilles ambulants. Juste avant Tup, un vieil homme aux cheveux blancs et à la figure ridée comme une vieille pomme court vers nous. C'est un Russe mais comme il dit, 'mon pays, c'est le Khirghistan !'. Un peu comme chez les Chinois chez qui nous avions dormi le soir de la tempête qui nous montraient fièrement leur passeport kazakh. C'est un apiculteur et quand il découvre que Benoît a aussi des ruches : 'Alors, tu fais combien de kilos de miel ?'. Bon, ce n'est pas comparable. Benoit en a quelques unes, Viktor en a cent ! Il en avait quarante puis 'ma femme en a acheté 60 sans me prévenir !'. Il discuterait bien plus longtemps mais le travail l'appelle. Comme il dit, il faut passer en hiver, ce sont les vacances !

L'après-midi, l'orage fond sur nous en moins d'une heure... pique-nique au soleil, café sous la pluie ! Nous nous abritons sous un abribus. Ben décide de se débarrasser de la poubelle du déjeuner et la donne à une fille dans la station-service à côté. Il pressent le désastre trop tard quand il la voit prendre son élan : une, deux... et hop, le sac part dans le champ d'à côté ! Et dire qu'en Europe, on parle recyclage, quel décalage... Un peu plus tard, la même fille vient s'abriter sous l'abribus et nous lui demandons combien de km il reste pour Karakol. 'Sto km' nous répond-elle, sûre d'elle ! 100 km, on a du mal à ne pas rire, notre carte (pas très précise mais pas à ce point là) indique entre 10 et 15 km. On a eu pas mal d'estimations fantaisistes depuis le début du voyage mais celle-là restera dans les annales !

L'entrée dans Karakol est longue, 7km ! C'est dimanche, le CBT (Community Based Tourism, équivalent de l'office du tourisme) est fermé. Une première guesthouse ne nous plait guère : pas bonjour, la fille nous accueille en nous écrivant les prix sur un post-it ! La deuxième est la bonne. Zina, la belle-fille de Jamilya (la propriétaire) nous accueille dans un français impeccable. Les chambres sont marrantes, un peu kitsch, on choisit la vert pomme et Albane et Benoit hésitent longuement entre la violette et la bleue avec les étoiles au plafond...

Le lendemain, Karakol est bien plus plaisante. C'est lundi, les rues sont animées, des groupes d'hommes et de femmes bavardent aux coins des rues et il fait beau. La ville n'a rien de spécial, de gros blocs de ciments 'à la soviet' et de petites maisons aussi dans le style russe mais bien plus mignonnes avec leurs volets bleus ciel et leurs murs blancs. Nous regrettons que la ville n'ait pas été construite sur le lac. Nous passons au bazar acheter crème solaire (ça tape aussi dur qu'en Nouvelle Zélande !), lingettes (l'eau froide le soir, très peu pour nous !). Albane et Benoît cherchent des vis de rechange pour leurs vélos, sans succès. Hors Europe, on ne se procure pas les choses au même endroit ou plutôt, les endroits où on se fournit ne sont pas regroupés en énormes magasins. On achète les fruits et légumes au bazar, le pain un peu plus loin, à des vieilles dames qui le conservent dans des carrioles pour bébés, emballés dans des couvertures. Dans les petits supermarchés, nous trouvons pâtes, sauce tomate, chocolat et porridge. Et si on a oublié les fruits secs ou les biscuits, il faut retourner au bazar ! Pour les vis, on apprendra, trop tard, qu'on ne cherchait pas dans le bon bazar ! Nous dinons le soir en compagnie de Thomas et Eliane, un couple suisse en voyage pour 4 mois. 4 mois c'est déjà pas mal mais ils nous envient un peu notre liberté de 2 ans !

Le lendemain, nous partons en minibus à Jeti Oguz, des falaises de sable rouge. Une des légendes dit que ces gros rochers rouges sont en fait sept veaux devenus de forts taureaux qui se sont transformés en pierre. Au-delà des falaises, nous marchons dans la montagne, un petit sentier au milieu de la forêt puis au milieu de collines verdoyantes. Quelques yourtes sont déjà installées. Un panneau pointe vers une yourte signalant 'hôtel' ! Les animaux profitent du soleil, chevaux et vaches en liberté avec leurs petits. Nous croisons deux couples français en 4x4. Encore des retraités qui profitent de la vie ! Il y a aussi des marcheurs qui ploient sous de gros sacs à dos. Ils partent faire une boucle de quelques jours dans la montagne.

Avant de quitter Karakol, nous sillonnons la ville à la recherché de produits lentilles pour Sylvie. Les pharmacies nous renvoient sur les opticiens. Logique sauf que les opticiens ne ressemblent pas aux magasins sophistiqués que l'ont connaît. Ce sont de minuscules échoppes avec une dizaine de paire de lunettes qui se battent en duel sur des étagères poussiéreuses, ouh là là... au bout du troisième opticien, on abandonne ! Les garçons profitent du dernier après-midi pour nettoyer les vélos et resserrer les vis et Ben se rend compte que son pédalier a du jeu. On a fait réviser les vélos chez Fausto à Bangkok, il aurait dû s'en rendre compte. Il est possible que le vélo se soit pris un choc dans l'avion. Le lendemain matin, les garçons foncent au bazar dans l'espoir de trouver un roulement à billes (on ne sait jamais avec la Chine à côté) mais sans succès. Du coup, on ne sent plus très chaud pour partir sur Naryn par la route des montagnes. C'est deux jours de grosse montée (probablement à pousser les vélos) puis encore cinq jours pour rejoindre Naryn. Tout ça sur de la piste.

Nous quittons Jamilya et sa famille alors que les nuages s'amoncellent...

Publié dans Khirghistan

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