Le long du lac Issyk Kul

Publié le par Sylvie

Karakol - Bichkek... 10/06 - 15/06

 

La matinée se passe sous un ciel couvert puis ce qu'on redoutait nous fond dessus. En cinq minutes, une pluie battante s'abat sur nous. Nous nous réfugions dans un petit café, si discret que quelqu'un doit nous l'indiquer. La dame est gentille et nous permet de mettre nos vélos à l'abri dans une des salles. Devinez ce qui nous réchauffe le ventre... des laghman (et aussi plein de bonbons)! Nous repartons sous la pluie, avec un vent de face glacial... bon, donc cette route dans les montagnes avec une passe à 3900m, euh, là on est à 1600m et on gèle ! Sylvie se retrouve avec le même problème que sur la Great Ocean road, son pantalon de pluie finit par lui coller aux genoux avec la transpiration ou la condensation. Elle lance un nouveau style, les guêtres aux pieds, le pantalon roulé au-dessus des genoux ! Ben regrette après de ne pas avoir fait pareil, il a mal aux genoux le soir. A quand le pantalon de pluie spécial vélo couché ? Nous arrivons trempés (autre petit détail : les fermetures étanches, ça n'existe pas, la prochaine fois, on prendra une veste à rabat !) et frissonnants au petit village de Tamga en haut d'une belle côte. Jamilya nous a recommandé la guesthouse d'Askar et Tamara. Pas de chance, ce sont les mêmes prix mais pas le même service. Ben doit batailler pour qu'on ait des chambres au premier étage et non tout en haut et le dîner n'a rien à voir avec le superbe repas de Jamilya. Nous rencontrons Ingrid, une Française en vacances pour un mois au Khirghistan. Elle vient de passer une dizaine de jours dans les montagnes à cheval et nous apprend que certains cols à 3500m étaient impraticables. Notre décision est prise, nous ne prendrons pas la route des montagnes pour Naryn. Nous sommes à la fois déçus et soulagés. La route s'annonçait très belle mais aussi très difficile et, comme d'habitude, nous craignons pour nos genoux (Ben a eu aussi quelques alertes). Albane et Benoît qui hésitaient encore à faire cette route, décident de nous accompagner à Bichkek. Ils pourront ainsi vérifier la situation pour le Pakistan auprès de l'ambassade.

Nous démarrons tard le lendemain matin. Tamara et Askar nous ont emmenés voir une fabrique de yourtes. Pas de chance, les employés sont là mais ne travaillent pas. Ils nous expliquent quand même : il faut mettre en forme les 'cannes' qui constituent la partie haute du toit et se fixent dans un cercle en bois au sommet. Des croisillons de bois forment les murs. Il faut aussi nettoyer la laine puis la feutrer. De grands pans de laine feutrée viennent couvrir les croisillons de bois. Maintenant, les Khirghizes mettent aussi, parfois un film plastique, probablement pour la pluie. Par terre, on isole le sol avec des shyrdaks, des tapis de laine feutrée colorée. Les femmes font plusieurs tapis de couleurs différentes puis elles découpent des motifs et les cousent sur le tapis. On obtient un tapis aux motifs stylisés bleu, rouge, vert... Une autre technique consiste à dessiner les motifs directement sur la laine feutrée mais le rendu n'est pas aussi net et joli qu'avec les shydarks. Aujourd'hui, la route suit le lac et il fait beau ! Nous pique-niquons sur une petite plage, au bord de l'eau. A part quelques voitures qui passent sur la route, nous sommes seuls, le bonheur ! De l'autre côté du lac, au nord, nous voyons une chaîne de montagnes enneigées, ce sont les mêmes montagnes que nous voyions lorsque nous étions à Almaty. Un peu plus loin, nous passons ce qui ressemble à un complexe hôtelier en construction : une rangée de yourtes en béton face au lac, beurk ! Après une longue montée nous arrivons au village de Bokonbayev. Le CBT est encore ouvert. Pendant que Benoît et Albane vont au bureau et tentent de contacter une guesthouse, un attroupement se forme. Quatre vélos chargés de sacoches, forcément ça intrigue ! Un jeune homme parle quelques mots de français. Un homme d'un certain âge s'approche. Il porte un haut chapeau blanc de feutre, à la mode khirghize, et ses yeux bruns clairs frappent au milieu de son visage brun et ridé. Il nous pose plein de questions sur la distance parcourue, le nombre de mois, le poids des sacoches. Malgré le russe limité de Ben, la conversation va plus loin que l'habituel 'At kouda ?' (D'où venez-vous), ça fait plaisir ! La guesthouse est très sympa, mignonne même. Jusqu'aux toilettes au fond du jardin dont le plancher est peint en brun clair et il y a même une lumière ! Nous regrettons juste que la propriétaire ne soit pas plus souriante. Albane et Sylvie inaugurent le sauna. Le réservoir d'eau chauffé au bois remplit la minuscule pièce d'une chaleur bien agréable. On a l'habitude maintenant : faire le mélange eau chaude - eau froide dans les bassines et s'arroser avec la petite casserole en plastique. Le soir, nous dinons relativement tard, vers 20h. Un restaurant qui rangeait tables et chaises accepte de nous servir. Au menu ce soir, pirmeny, ces petits raviolis qui flottent dans du bouillon. En dessert, les garçons se payent une énorme glace. Bon, elle est énorme mais le goût n'y est pas !! Nous rachetons de l'eau. Dur, dur en Asie Centrale de trouver de l'eau plate (bis gas). La plupart du temps, c'est de l'eau gazeuse. Heureusement, elle perd vite ses bulles et on reste sur un petit goût salé pas désagréable. Nous sommes toujours aussi à la recherche du merveilleux chocolat du Kazakhstan (marque Roshen pour les amateurs) mais on doit se rabattre sur le Nestlé.

Nous repartons après un gros petit déjeuner dans la cuisine de notre hôtesse (qui a lâché un sourire depuis la veille !) : œufs au plat, concombres et tomates, pain, beurre et confitures. La route quitte le lac et part dans les montagnes. En haut d'une montée de 12 km, nous sommes accueillis par la pluie et... par une yourte ! Une famille s'est installée là pour ravitailler les automobilistes, quelle chance ! La mère nous sert du thé chaud et des pirouchkas, sorte de beignets fourrés à la pomme de terre. On avise une énorme outre en cuir (150L !). C'est du koumis nous dit-on ! Le fameux lait de jument auquel on a déjà goûté plusieurs fois. Celui-là a un goût encore différent, moins fort, et maintenant on comprend d'où vient ce goût un peu fumé, du cuir bien sûr ! Ben en avale à peine une gorgée, Benoît vide un bol et les filles s'en partagent un, chacun a une tolérance différente !! Réchauffés nous repartons pour une longue descente cette fois-ci. Comme d'habitude, le panneau indique une pente à 12%. A croire qu'ils n'ont qu'un panneau en stock. On a même vu une fois une montée annoncée par un panneau qui disait 'descente à 12%' ! La descente se fait au soleil et cette fois-ci nous sommes devant. A nous les descentes, les montées sont pour Albane et Benoît ! Le village où nous pensions nous arrêter déjeuner n'a pas de café, juste un petit magasin. En fait de déjeuner, on achète du pain et une saucisse de viande de chèvre parait-il. Finalement on se  rabat sur les fruits secs et les biscuits, la saucisse ressemble à du corned-beef, bof ! Quand nous repartons, le vent s'est levé, de face bien sûr. Et il y a encore 30 km jusqu'à Balykchy, la ville d'où nous comptons prendre un bus le lendemain pour Bichkek. Cette fois, ce sont les vélos couchés qui vont plus vite : 13km/h pendant qu'Albane et Benoît peinent à 9 km/h. Ils forcent tandis qu'on y va doucement. Ben abrite Sylvie qui du coup, n'est pas trop fatiguée le soir ! La route longe à nouveau le lac, au loin on aperçoit la ville et la route tourne, tourne, sans jamais rejoindre la ville. Finalement, 2 km avant, enfin, la route rejoint celle qui arrive de Bichkek et tourne vers l'est. Nous ne sommes pas au bout de nos peines, il faut maintenant trouver un hôtel. La ville n'est pas dans notre guide donc on demande aux gens. Première tentative, on tombe sur un superbe hôtel à 80 euros la nuit, ouh là, pas pour nous ! On trouve ensuite un hôtel à l'autre bout du budget : pas très propre et dans un quartier qui fait un peu bidonville. A notre rituelle question 'où peut-on mettre les vélos', la gardienne nous répond : 'Ben là, au parking'. Dans la rue quoi. Un panneau 'Hôtel Confort' nous redonne espoir. 3 km et 5 panneaux plus loin, nous arrivons dans une sorte de terrain vague, quelques tours au milieu de gravats. Des enfants du quartier nous indiquent gentiment l'immeuble que nous cherchons mais en fait, il n'y a rien, pas d'hôtel. Pendant qu'Albane et Benoît cherchent cet hôtel fantôme, nous gardons les vélos. Les enfants se sont assis sur le bord du trottoir et regardent les vélos sans y toucher. Nous sommes très surpris de les voir aussi bien élevés. Pour tromper l'attente, Ben se met à chantonner. Aussitôt, six petites frimousses reprennent en chœur 'pom, pom, pom' et tout le monde éclate de rire. Nous repartons pour le centre ville et trouvons, enfin (après deux heures et demie de recherches), une gastenitsa. Ce sont quatre petits appartements avec salon-chambre, salle de bains (la nôtre est épouvantable avec une baignoire datant de Mathusalem) et cuisine. On rentre les quatre vélos dans une cuisine et on part dîner. Ce soir, on continue dans la gastronomie russe, bœuf storgonoff et grechka, orge bouilli, ça ravigote après tout ce vent.

Le lendemain, nous empilons les quatre vélos et tous les bagages dans un minibus et filons sur Bichkek. Dit comme ça, on dirait que ça nous a pris cinq minutes. En fait, nous avons dû trouver la gare des bus, s'apercevoir que nos vélos arriveraient probablement en miettes si on prenait un 'vrai' bus, négocier avec un premier chauffeur de minibus qui ne décolle pas de son prix, trouver un second chauffeur qui veut bien baisser son prix ... puis coincer les quatre vélos entre les sièges qui ne se démontent ni ne s'abaissent, les seize sacoches et les quatre cyclistes ! A Bichkek redémarre la quête pour une guesthouse. Des cyclistes nous en ont indiqué une, derrière la station de bus de l'est. Nous tournons une heure avant de réaliser que le chauffeur nous a déposés à une autre station de bus ! La guesthouse n'est pas aussi sympa que celles que nous avons faites jusqu'à présent mais on espère que les vélos seront à l'abri. L'an dernier, deux cyclistes se sont fait voler leur vélos a Bichkek alors on tremble un peu. Entre un minuscule dortoir à douze lits superposés et des yourtes aux lits un peu sales, nous choisissons les yourtes, plus de place et de lumière. En fait, les draps sont probablement propres, la poussière tombe des pièces de laine qui enveloppent la yourte et qu'on fait glisser sur le haut du toit pour donner de la lumière le matin. On sent qu'on a perdu de l'altitude, il fait très chaud et Albane et Ben ont un gros coup de barre. C'est dimanche donc rien à faire aujourd'hui, certains somnolent, d'autres trient les photos ou lisent. Ben se repose tandis qu'on part dîner dans un petit resto très sympa près de la station de bus. Nous dinons dans une petite cour arborée. Un homme à la table à côté entame une conversation en russe mais sans Ben, notre interprète, c'est difficile ! Il fait signe de manger quelque chose puis 'ouïe, ouïe, ouïe' et se tape le ventre en riant ! On finit par comprendre quand il fait signe avec ses deux mains... eh oui, en France, on mange les huitres vivantes ! On rejoint Ben qui semble aller mieux, il lit des Gaston Lagaffe sur l'ordinateur (merci Brice !).

Le lendemain, Albane et Benoît partent à l'ambassade du Pakistan pendant que nous faisons une grosse lessive. Puis nous partons chez Oleg, connu pour avoir sauvé pas mal de cyclistes. Coïncidence amusante, il habite en face de l'ambassade du Pakistan. Effectivement, son atelier ressemble à un mini magasin de vélo. Il a deux roulements à bille, un de bonne qualité mais trop petit (à la grande déception de Ben) et un de qualité chinoise, presque à la bonne taille. On fera 6.000km avec, peut-être 5.999 nous dit Oleg en rigolant. Nous fêtons nos 11.000 km dans un resto à tendance européenne : spaghetti carbonara et banoffee pie (tarte banane-caramel), ça change du sempiternel laghman ! Un cycliste passe près de nous. Kyle est parti d'Indonésie, est remonté par la Thaïlande, le Laos, la Chine... Il est Américain et compte aller jusqu'en Europe. Malheureusement, il ne pourra pas traverser l'Iran. 150 euros/jour pour un guide, ça fait cher ... dommage que le gouvernement iranien mette tous les Américains dans le même sac. Nous lui indiquons l'adresse de notre guesthouse, étant sur la route depuis quelques jours, une bonne douche chaude le tente peut-être. Nous visitons ensuite le centre ville, plus agréable qu'Almaty. Les avenues sont arborées, les monuments regroupés le long d'une longue artère piétonnière : nous voyons la 'Maison Blanche' (qui ne ressemble pas à celle de Washington !), une statue de Lénine, des fontaines qui s'agitent dans tous les sens... Ce quartier semble très 'propre', un gros contraste avec tous les kilomètres de piste qui nous attendent les jours suivants ! De retour à la guesthouse, nous retrouvons Kyle, il s'est effectivement laissé tenter par la douche chaude et la lessive ! Nous le recroiserons peut-être d'ici quelques semaines au sud du Khirghistan quand il passera au Tadjikistan et nous, en Chine.

Publié dans Khirghistan

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